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Parti démocrate-chrétien du Jura (PDC Jura)

Au cours du XIXème siècle, les rapports entre l'Eglise et l'Etat occupent le devant de la scène politique jurassienne. A cette période, deux principaux courants politiques s'opposent : d'une part, les  libéraux-radicaux (« Rouges »), partisans des principes de laïcisation et de centralisation du pouvoir et, d'autre part, les conservateurs-catholiques (« Noirs »), fidèles à l'autorité spirituelle pontificale et défenseurs du fédéralisme. Dés 1830, les libéraux-radicaux obtiennent la majorité gouvernementale et engagent des réformes (loi sur les écoles primaires de 1834, laïcisation progressive du collège de Porrentruy entre 1832 et 1836, ouverture en 1837 de l'Ecole normale mixte dans les anciens locaux du Séminaire à Porrentruy) visant à réduire l'influence de l'Eglise catholique dans le domaine de l'éducation. La tentative (avortée) d'adoption des articles de Baden par le Grand Conseil bernois (20 février 1836) - dont l'application aurait abouti à la primauté de l'autorité civile sur l'autorité spirituelle - entérine la politique de laïcisation entreprise par les libéraux-radicaux. Si ces diverses mesures exacerbent les tensions, il faut toutefois attendre les évènements liés au Kulturkampf pour assister à l'émergence d'une résistance catholique organisée.
Le Kulturkampf  éclate en 1870 et oppose dans toute l'Europe, les partisans du Pape antimoderniste Pie IX, auréolé du dogme de l'infaillibilité pontificale, aux Etats libéraux laïcs issus de la Révolution. Le conflit se cristallise principalement autour de l'enseignement, dont les Etats libéraux veulent s'assurer le monopole. En 1872, Mgr Lachat menace d'excommunication les membres du clergé jurassien hostiles à l'infaillibilité pontificale. En réaction, les cantons diocésains destituent le prélat. Toutefois, solidaires de leur évêque, les curés jurassiens protestent et se font révoquer par Berne en 1873. Un an plus tard, le gouvernement fait occuper militairement neuf villages « rebelles » et expulse près de quatre-vingt prêtres réfractaires qui ont continué d'officier. La même année (1874), la loi sur les cultes charge les paroisses de nommer leurs curés et leur accorde un droit de veto sur les décisions de l'évêque et du Pape. En réaction à l'introduction de cette loi et à la perte des droits confessionnels garantis à la minorité catholique par l'Acte de Réunion, une résistance s'organise. A l'initiative d'Ernest Daucourt et de certains de ses amis (Joseph Boinay, Léon Cattin, Justin Chapuis, Charles Girardin, Joseph Jobin, Louis Viatte), L'Union des Campagnes, premier parti conservateur catholique organisé, voit le jour le 17 septembre 1877 et peut s'appuyer sur un organe de presse, Le Pays (fondé par Ernest Daucourt le 3 août 1873) pour assurer la défense des intérêts catholiques et conservateurs du pays. Les efforts de l'Union des Campagnes porteront leurs fruits dans la mesure où, aux élections de mai 1878, les conservateurs obtiennent 110 sièges au Grand Conseil bernois (contre respectivement 124 et 16 sièges pour les radicaux et les libéraux modérés). Auréolé de ce succès politique, les conservateurs obtiennent du nouveau gouvernement l'amnistie des quatre-vingt prêtres révoqués.
Lors des élections au Conseil national de 1890, le Jura est divisé en deux arrondissements électoraux, à savoir que les districts du Sud et les Franches-Montagnes ont droit à trois députés alors que le Nord peut prétendre à deux sièges. Cette nouvelle répartition permet au conservatisme catholique d'être à nouveau représenté au Conseil national (Joseph Choquard), cela n'était plus arrivé depuis 1854. Elle permet en outre aux conservateurs de briguer des postes d'importance au sein de la magistrature (obtention des préfectures des Franches-Montagnes et du Laufon en 1894 suivi d'un siège à la cour suprême en 1904) et même d'obtenir la présidence du Grand Conseil Bernois en 1918 (Joseph Boinay). Au lendemain du Kulturkampf et face aux défis du nouveau siècle qui s'annonce, le conservatisme catholique doit se renouveler. La première phase de ce renouvellement se traduit par une réorientation progressive de son programme politique sur la question sociale (au détriment des problématiques issues de la division confessionnelle) avec pour corollaire l'adoption, en 1903, d'une dénomination moins connotée religieusement : Parti démocratique jurassien. Celle-ci lui permet, d'une part, d'assumer son rôle d'entité spécifique et partisane et, d'autre part, de se profiler comme un parti garant des libertés populaires.
Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, avec environ 6% du total des suffrages exprimés dans le canton de Berne lors des élections au Conseil national, le PDC occupe encore une position marginale sur le plan cantonal. En revanche, grâce à un électorat fidèle (principalement issu de la classe moyenne), et à une large implantation dans le Nord du Jura (le parti est nettement majoritaire dans les Franches-Montagnes et frise la barre des 50% dans les districts de Delémont, Laufon et Porrentruy), le PDC rallie régulièrement près d'un tiers des suffrages des sept districts et occupe à ce titre les devants de la scène politique jurassienne. Toutefois, face à la montée des partis de classe (PAB et PS) qui profitent de l'introduction de la représentation proportionnelle au niveau fédéral (1919) puis cantonal (1922) pour s'affirmer, et face aux bouleversements sociaux liés au développement industriel jurassien, le PDC se doit de poursuivre la mue entreprise au tournant du siècle en reconsidérant son idéologie et sa stratégie. A la recherche d'une voie médiane entre l'individualisme extrême et le collectivisme, le PDC milite ainsi progressivement en faveur d'un engagement social fondé sur les principes de syndicalisme chrétien et de corporatisme (développement de l'esprit de solidarité en matière professionnelle, protection des travailleurs par le biais de corporations, limitation de l'interventionnisme de l'Etat en matière sociale etc.). Ce recadrage idéologique s'inscrit plus largement dans la stratégie adoptée par le parti durant l'Entre-deux-guerres qui vise à s'ouvrir les portes de l'exécutif cantonal bernois en jouant le rôle de « ciment » du bloc bourgeois PAB-PLR qui se dessine dans les années 1930. Cette stratégie de « courroie de transmission » du bloc bourgeois contre le socialisme s'avèrera infructueuse dans la mesure où en 1928 comme en 1938, les portes du Gouvernement bernois lui resteront fermées. En juin 1941, le parti adopte de nouveaux statuts. Si le PDC se présentait jusqu'alors comme « l'organisation des catholiques du canton », le parti groupera à l'avenir « les électeurs [...] adhérant aux principes politiques, sociaux et économiques de ce parti ». La redéfinition de ces statuts illustre ainsi bien la dynamique de déconfessionnalisation dans laquelle s'inscrit le PDC au début des années 1940.
Durant la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte marqué par la crainte d'une invasion et des menées subversives, un climat d'« union sacrée » s'instaure au sein de la société helvétique et parmi les partis politiques. Les principes de fédéralisme, d'ordre et de discipline du PDC s'inscrivent dans l'air du temps et profitent au parti qui gagne progressivement la confiance des partis bourgeois. Cet esprit de conciliation se manifeste également au lendemain du conflit lorsque le PDC apporte sa caution à la nouvelle loi sur les cultes, dont l'adoption le 6 mai 1945 restaure la majeure partie des droits catholiques et résorbe ainsi définitivement le Kulturkampf.
La paix confessionnelle définitivement acquise, le PDC se détourne de l'ordre des priorités qu'il  s'était originellement fixé pour s'orienter vers une politique de rapprochement avec l'Etat bernois. Sous la pression de la nouvelle génération montante du Parti et dans l'espoir d'une participation accrue aux responsabilités, le PDC adopte ainsi une ligne politique essentiellement axée sur les problèmes socio-économiques. Cette participation aux responsabilités se traduira par l'obtention en 1946, de la présidence du Grand Conseil et de la Cour Suprême (respectivement Sylvain Michel et Pierre Ceppi) qui permettent au PDC d'envisager une accession prochaine à l'exécutif bernois. Cette opportunité ne tarde en effet pas à se présenter lorsque l'un des sièges radical au Conseil d'Etat se libère. Le PDC en profite pour soumettre la candidature de Pierre Ceppi qui s'oppose au candidat radical Virgile Moine lors du scrutin du 13 juin 1948. Cette élection marque un tournant dans la vie politique jurassienne. En effet, la défaite du candidat conservateur consacre, d'une part, l'échec de la politique de rapprochement entreprise à l'égard de l'Etat bernois et déclenche, d'autre part, une conversion à la cause de l'indépendance du Jura que le PDC érige en cheval de bataille au début des années 1960 avec l'accession aux postes-clés du parti d'anciens militants du Rassemblement Jurassien et du Groupe Bélier.
Au début des années 1970, sous l'influence de cette nouvelle génération de cadres et de l'aggiornamento catholique (Concile Vatican II), le PDC opère, à l'instar du PDC Suisse, un virage considérable sur le plan idéologique en passant de la droite au centre de l'échiquier politique. Cette politique du centre trouve sa confirmation, dans la mesure où le PDC obtient une majorité de sièges à la Constituante (19 sièges sur 50) et voit un de ses membres, François Lachat, en présider les travaux. Réduit à la marginalité sous l'ère bernoise, le PDC renforce sa position de première force politique jurassienne lors des élections cantonales de novembre 1978. En effet, crédité de près de 32,5 % des suffrages, le PDC prend la tête d'une coalition gouvernementale formée par les principaux partis autonomistes (PDC, PSJ, PCSI, PRR) et obtient la double majorité (21 députés sur 60 au Parlement et 2 ministres sur 5 au Gouvernement), reléguant ainsi le PLR dans l'opposition.
Fort de ce succès, le PDC marque cette première législature de son empreinte en soumettant à ses partenaires un programme en 27 points, au sein duquel figurent notamment la volonté de placer l'intérêt de l'Etat au-dessus des divergences partisanes, d'assurer une gestion saine et efficace des finances, de développer l'économie par l'implantation d'activités nouvelles et par la diversification industrielle, de soutenir les préalables à la construction de la Transjurane, de faciliter la réunification du Jura. Toutefois, se réclamant des principes de subsidiarité (ce principe signifie que la communauté ne doit pas assumer ce que l'individu ou le groupe peut faire par ses propres forces et par sa propre volonté), de solidarité et de fraternité, le PDC souhaite mettre la famille au cœur de cette première législature. Dans cette optique, il élabore une initiative dite de protection et de promotion de la famille en mai 1981 (finalement adoptée en mai 1988, cette loi prévoit notamment l'octroi d'allocations familiales, des mesures d'allégements fiscaux pour les familles, l'amélioration de la politique du logement etc.). Arguant de ne pas avoir été suffisamment consulté lors de l'élaboration du projet, le PSJ décide de se retirer de la Grande coalition à la veille des élections cantonales d'automne 1982. Ce retrait ne porte toutefois pas préjudice au PDC, dans la mesure où il parvient à conserver ses deux sièges au Gouvernement (François Lachat, Pierre Boillat) et ne concède qu'un siège de député au Parlement (passage de 21 à 20 sièges, cf. Député(e)s au parlement jurassien (statistiques)). Les élections cantonales ultérieures (législatures 1986-2015) verront le PDC maintenir sa représentation au Parlement (entre 19 et 22 députés, voir notice Député(e)s au parlement jurassien) comme au Gouvernement (2 portefeuilles de ministre pour les législatures 1979-1990, 3 de 1991-2002, 2 de 2003-2015, voir notices Ministres du Canton du Jura (statistiques) et Ministres de la République et Canton du Jura).
De la naissance de la République et Canton du Jura à nos jours (1974-2013), le PDC confirme également son statut de première force politique jurassienne à l'échelon fédéral. En effet, à l'exception des législatures de 1983-1987 (perte du siège de conseiller national au profit du PLR) et de 2007-2011 (perte du siège de conseiller national au profit de l'UDC), le parti bénéficie de deux sièges aux Chambres fédérales.

Consultez la liste des Président-e-s du PDC Jura depuis 1979.


Les appellations successives du parti, de 1877 à nos jours :

1877 Union des Campagnes
1890 Parti Conservateur du Jura
1903 Parti démocratique jurassien
1919 Parti démocratique-catholique du canton de Berne
1961 Parti démocratique chrétien-social du Jura
1970 Parti chrétien-social du Jura
1971 Parti démocrate-chrétien du Jura

Auteur·trice du texte original: Olivier Meyer, 14/08/2013

Fonds d’archives

Service de l'information et de la communication (SIC, Delémont), dossiers 1710-1714; 1719: PDC JURA

Bibliographie

François Donzé e.a., Le Parti démocrate.chrétien du Jura, 1977-1977 : du ghetto à la liberté, Porrentruy, 1977
Charles-André Gunzinger, Denis Moine, L’Assemblée constituante jurassienne, Delémont, 1976
Daniel Jeanbourquin, Jura Souverain. Les premières autorités, Moutier, 1981
Thibault Lachat, PDC Jura. De la liberté aux responsabilités, Delémont, 2004
PDC JURA : 100 ans de lutte : journal du centenaire : patinoire couverte, 26-27-28 mai 1978, Porrentruy, [S.l.], 1978

Suggestion de citation

Olivier Meyer, «Parti démocrate-chrétien du Jura (PDC Jura)», Dictionnaire du Jura (DIJU), https://www.diju.ch/f/notices/detail/1003325-parti-democrate-chretien-du-jura-pdc-jura, consulté le 10/12/2024.

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