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Chaluet (sites archéologiques, Court)

Objet : artisanat (verrerie) Datations : époque moderne Fouilles : 1952-1954, A. Rais et A. Gerster ; 2000-2004, Service archéologique du canton de Berne (SAB) Collections : Musée jurassien d'art et d'histoire, Delémont ; SAB, Berne L'étroite vallée de Chaluet s'étire à l'est de Court entre les montagnes de Montoz et de Graitery, jusqu'à proximité du col de Binzberg (SO). Elle est parcourue par un cours d'eau pittoresque, le Chaluet. Des documents attestent qu'au moins quatre verreries forestières étaient en fonction dans cette petite vallée, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Deux ateliers se situaient sur le versant sud du Graitery et deux autres sur le versant nord du Montoz. Les deux verreries situées sur le flanc nord du Montoz ont fait l'objet de fouilles partielles (1952-1954) qui ont révélé des restes de fours de forme plus ou moins circulaire possédant plusieurs ouvertures ou ouvreaux. Une toiture simple (planches et branchages) devait protéger les différents postes de travail. Quant aux habitations des verriers et ouvriers, elles se situaient à l'écart en raison du danger d'incendie. Les nombreux fragments de verre découverts à cette occasion mettent en évidence une production variée : services à boire (cruches et verres), bouteilles, verre à vitre. Un acte d'amodiation permet de dater la création d'une première verrerie en 1657 ; celle-ci fonctionnera jusqu'en 1685/86. Vers 1673, une concession pour une deuxième verrerie fut accordée pour une durée de 25 ans. Elle fut construite au Pâturage aux Boeufs, sur le Droit de Graitery. Ces deux premiers ateliers ont fonctionné en parallèle durant quelques années. La troisième verrerie a été l'objet d'une fouille extensive (2000-2004) dans le cadre des travaux autoroutiers de la Transjurane (A16) et a livré des informations remarquables. L'attribution de cette troisième concession en 1699 répond à l'épuisement du bois dans les zones exploitées auparavant. La verrerie est édifiée sur le Pâturage de l'Envers de Montoz et a été en service jusqu'en 1714 ; le bois venant alors à manquer, un nouveau contrat devint nécessaire. Deux bâtiments liés à la production ont été documentés, regroupant différents fours. Le four de fusion semblait destiné à la production de petits objets en verre. Par ailleurs, trois habitations équipées de caves étaient localisées à proximité. Si des baguettes de verre pas encore travaillées ont été exhumées, ce sont avant tout les ratés de fabrication qui permettent de bien connaître la production de cette verrerie. En effet, plusieurs dépotoirs regroupaient un large éventail d'objets : vitrage, flaconnage ou gobeleterie sont représentés, comme dans les deux premiers ateliers. L'étude typologique de ces objets permet d'attester le respect de traditions tant germaniques que françaises, ou vénitiennes (avec notamment des imitations de verre filigrané, premier témoignage d'une telle production en Suisse). Un accord permit la construction d'une quatrième et dernière verrerie sur le Droit de Chaluet, au pied du Graitery. Détruite en 1719 par un incendie, elle fut probablement reconstruite (au même endroit ?) peu de temps après, puisque les comptes de la Recette de Moutier nous apprennent que les verriers de Chaluet continuent de payer leurs redevances d'exploitation et/ou de résidence jusqu'en 1737/38. L'étude de la troisième verrerie étant encore en cours (état 2008), il est prématuré de s'étendre plus avant, mais il semble que cette recherche permettra une avancée considérable dans la connaissance du monde des verriers jurassiens, ce d'autant que qu'une structure similaire a également été l'objet d'investigations à Rebeuvelier. Voir aussi la notice Archéologie.


La fabrication du verre La fabrication du verre nécessite un sable siliceux, un fondant et un stabilisateur. Un sable d'excellente qualité affleure à proximité, à Court, sur les pentes du Mont Girod et dans la région de Bellelay, d'où provient également le sable argileux réfractaire des creusets. Le fondant utilisé dans les verreries de Chaluet est une cendre riche en potassium et un calcium qui s'obtient par la combustion de végétaux (bois). Le calcium fait office également de stabilisateur. L'ajout de minéraux particuliers permet de teinter le verre. Le mélange de sable et de cendre subit un grillage sur une sole chauffée ; cette opération provoque une première réaction de éléments entre eux et donne naissance à un agglomérat : la fritte. Celle-ci est broyée avant d'être mise à fondre durant plusieurs heures dans les creusets disposés dans la chambre de fusion. Concentrés sur la production de petits objets en verre, les souffleurs de Chaluet utilisaient des soufflets modestes, dont la contenance n'excédait guère 10 litres. Les modifications minéralogiques observées sur les creusets et les éléments du four [de la troisième verrerie] de Chaluet indiquent que la température de la chambre de fusion atteignait près de 1500°C. (Christophe Gerber e.a. 2005, p. 66) Le verre jurassien Dans l'arc jurassien, la fabrication du verre ne semble pas remonter au-delà du Moyen Age. Les premières mentions de verreries datent des XIVe et XVe siècles : La Heutte (BE) et Klus-Balstahl (SO). Cette activité ne connaît sont véritable essor qu'aux XVIIe-XVIIIe siècles sous l'impulsion notamment de maîtres-verriers arrivés de Forêt-Noire, qui entrent alors en concurrence avec les fondeurs de fer dans l'exploitation des forêts. Consommatrices effrénées de bois, les verreries sont souvent reléguées dans des lieux reculés, à l'écart des grandes voies de communication. Traditionnellement, elles sont établies en forêt même et fonctionnent quelques années seulement, jusqu'à l'épuisement des bois concédés. Habitués à de fréquents déplacements, les verriers démontent alors les bâtiments d'habitation et de fabrication pour les remonter ensuite sur le nouveau site de production. Cette mobilité extraordinaire est une de particularités des verreries médiévales européennes. (Christophe Gerber e.a. 2005, p. 64)

Auteur·trice du texte original: Claude Juillerat et François Schifferdecker (réd.), Guide archéologique du Jura et du Jura bernois, Porrentruy, 1997 (complété en 2008 : Ludwig Poget), 01/12/2005

Dernière modification: 28/06/2010

Bibliographie

Gustave Amweg, Les arts dans le Jura bernois et à Bienne, 2, 1941, pp. 403-446 André Rais, « Les deux verreries de Chaluet », in Les Intérêts du Jura, 25/7, 1954, pp. 137-150 Guy-Jean Michel, « Familles verrières et verreries dans la principauté de Porrentruy aux XVIIe et XVIIIe siècles », in ASJE, 88, 1985, pp. 51-83 Regula Glatz, Hohlglasfunde der Region Biel. Zur Glasproduktion im Jura, Bern, 1991 Claude Juillerat, François Schifferdecker (réd.), Guide archéologique du Jura et du Jura bernois, Porrentruy, 1997 Christophe Gerber e.a., « L'exploitation artisanale et préindustrielle des ressources naturelles », in Archéologie suisse, 28/2, 2005, pp.56-66

Suggestion de citation

Claude Juillerat et François Schifferdecker (réd.), Guide archéologique du Jura et du Jura bernois, Porrentruy, 1997 (complété en 2008 : Ludwig Poget), «Chaluet (sites archéologiques, Court)», Dictionnaire du Jura (DIJU), https://diju.ch/f/notices/detail/3178-chaluet-sites-archeologiques-court, consulté le 18/04/2024.

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